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                                   DU MOURON POUR LES P'TITS OISEAUX 
Grand'mère, fillette et garçon 
Chantent tour à tour la chanson. 
Tous trois s'en vont levant la tête : 
La vieille à la jaune binette, 
Les enfants aux roses museaux. 
Que la voix soit rude ou jolie, 
L'air est plein de mélancolie : 
Du mouron pour les p'tits oiseaux ! 
Le mouron vert est ramassé 
Dans la haie et dans le fossé. 
Au bout de sa tige qui bouge 
La fleur bonne est blanche et non rouge. 
Il sent la verdure et les eaux ; 
Il sent les champs et l'azur libre 
Où l'alouette vole et vibre. 
Du mouron pour les p'tits oiseaux ! 
C'est ce matin avant le jour 
Que la vieille a fait son grand tour. 
Elle a marché deux ou trois lieues 
Hors du faubourg, dans les banlieues, 
Jusqu'à Clamart ou jusqu'à Sceaux. 
Elle est bien lasse sous sa hotte ! 
Et l'on ne vend qu'un sou la botte 
Du mouron pour les p'tits oiseaux ! 
Les petits trouvant le temps long 
Traînent en allant leur talon.
La soeur fait la grimace au frère
qui, sans la voir, pour se distraire,
Trempe ses pieds dans les Ruisseaux,
Tandis qu'au cinquième peut-être
On demande par la fenêtre
du mouron pour les petits oiseaux !
Mais la grand-mère a vu cela.
Un sou par-ci, deux sous par-là !
C'est encore elle, la pauvre vieille,
Qui le mieux des trois tend l'oreille,
Et dont les jambes en fuseaux,
Quand à monter quelqu'un l'invite,
Savent apporter le plus vite
Du mouron pour les petits oiseaux !
Un sou par-là, deux sous par-ci !
La bonne femme dit merci.
C'est avec les deux sous de cuivre 
Que l'on achète de quoi vivre,
Et qu'elle, la peau sur les os,
Peut donner, à l'heure où l'on dîne,
A son bambin, à sa bambine,
Du mouron pour les petits oiseaux.
                             Jean Richepin (1849-1926)
                            
 La chanson des gueux 
 
 
Un des 
Cris de Paris (1774. Dessiné d'après nature par M. Poisson). 
Les cris de Paris, poussés par les vendeurs ambulants ayant chacun leur spécialité, ont été répertoriés à partir de 1530 environ. On en a compté une cinquantaine. Un des plus célèbres était « 
 Marrons, marons, chauds les marrons chauds ! ». Aujourd'hui les vendeurs de marrons sont ....muets.
Le dernier cri que j'ai entendu dans la capitale a  été celui du repasseur de couteaux, ciseaux.
 Mouron blanc
Mouron blanc. Très apprécié des oiseaux, et particulièrement les graines.
 
Vendeuses de mouron, au pied
de l'église Saint-Médard,
rue Mouffetard (Paris Vème)
(1899. Cliché Eugène Atget)
Source : gallica.bnf.fr